Depuis ce dimanche 7 février la situation est très critique en Ayiti.
Dès dimanche les choses se sont accélérées comme on pouvait s’en douter.
Jovenel Moïse, le président actuel sortant, a poussé des cris d’orfraie sur la scène politique internationale, en racontant qu’il a déjoué un coup d’Etat contre sa personne dimanche.
Par ailleurs de façon très grave plusieurs arrestations politiques ont eu lieu dans le pays, rappelant une sombre époque de l’histoire d’Ayiti.
Or Jovenel Moïse devait vraisemblablement rendre le pouvoir ce dimanche 7 février 2021 ce que sans grande surprise il n’a pas fait !
En effet le 7 février 2021 était la date probable où Jovenel Moïse devait finir son mandat présidentiel.
Une chose réclamée par la population et l’opposition depuis plus d’un an.
Pour faire valoir ce point précis l’opposition s’appuie sur des éléments de la constitution permettant de comptabiliser le temps du mandat présidentiel de façon antérieure si il y a eu contestations lors des élections ou fraudes, ce qui est le cas en Ayiti où l’avènement à la présidence de la République de Jovenel Moïse est entâchée depuis le début de cela.
L’élection présidentielle suite à tout un imbroglio a dû être annulée et revotée.
Jovenel Moise élu en 2016 pour un mandat de 5 ans est entré en fonction le 7 février 2017.
Cela fait plusieurs semaines déjà qu’il bat campagne pour passer par voie de référendum de façon anticonstitutionnelle pour modifier la Constitution ayitienne.
En gros il cherche tripatouiller la Constitution à son avantage et s’accrocher au pouvoir.
Depuis ce dimanche 7 février le pays sombre de plus en plus dans le parfum de la dictature et du du coup d’État.
PETIT RÉSUMÉ DES FAITS …
DIMANCHE 7 FÉVRIER :
Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, le CSPJ, a rendu publique une résolution adoptée la veille le 6 février 2021 dans laquelle il appelle le président de la République à appliquer l’article 134-2 de la Constitution pour lui-même comme ce dernier n’avait pas hésité à le faire avec les députés et les sénateurs en 2020.
Par conséquent le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a proclamé clairement dans sa résolution que la date du dimanche le 7 février 2021 était bel et bien la date de la fin du mandat constitutionnel du Président Jovenel Moïse.
Par la suite dans la journée de dimanche les sénateurs, du moins ceux qu’il reste, ont du mal à faire front commun.
Le président du Sénat Joseph Lambert a fait savoir que le tiers restant du Sénat n’était pas parvenu à une position commune sur la fin ou non ce 7 février 2021 du mandat du président Jovenel Moïse , notamment concernant l’interprétation et application des articles 134-1 et 134-2.
Mais avant même que le Sénat ne donne sa position très tôt dans la journée une vague d’arrestations politiques ont été perpétrées par le pouvoir Jovenel Moïse avec pas moins d’une vingtaine d’arrestations qui sont survenues dans la plus haute instance de la magistrature du haut commandement de la police nationale.
Dans le lot des arrestations il y a Maître Yvikel Dabrezil, l’un des trois juges de la Cour Suprême susceptibles d’assurer la transition au départ de Jovenel Moise, à l’issue de son mandat constitutionnel, le 7 février 2021.
Il a été arrêté tôt dimanche au petit matin sous l’accusation de « complot contre la sûreté intérieure de l’Etat».
Marie-Louise Gauthier, inspectrice générale la police nationale a également été arrêtée.
Pendant ce temps le plus tranquillement du monde celui qui cri au coup d’Etat, Jovenel Moïse annonçait plus tard en mâtiné l’ouverture du carnaval à Jacmel.
Tout en participant aux festivités carnavalesques il a annoncé qu’il ne quitterait pas le pouvoir ce jour là.
L’ambiance dans le pays était surréaliste, tandis qu’une partie de la population dansait au carnaval de Jacmel (qui avait été annulé ces deux dernières années en raisons de la crise sociale et politique), des mobilisations antigouvernementales ont lieu aux Caye et aux Gonaïves. Des axes routiers ont été coupés à Mirogoane et à Port au Prince. Ces mobilisations ont été fortement réprimées par les forces armées pendant que Jovenel Moïse fêtait carnaval à Jacmel.
LUNDI 8 FÉVRIER :
Lundi a été une nouvelle journée de tension à Port-au-Prince, sans qu’il n’y ai de mot d’ordre de grève toutes les activités ont été paralysées toute la journée.
Sur la question du pouvoir politique lundi 8 février les choses ont évoluées.
Maître Yvikel Dabrezil ayant été mis aux arrêts la veille, ce lundi 8 février l’opposition et plusieurs organisations de la société civile ont nommé le juge de la Cour suprême Joseph Mécène Jean-Louis «Président par intérim», pour diriger une transition de 2 ans.
C’est un enseignant, doyen d’université, avocat et juge. Il a été nommé à la Haute Cour en 2011.
Ensuite lundi matin on a vu un imposant dispositif de police prendre place autour du bâtiment de la Cour de cassation quelques heures après le choix par l’opposition du juge de cassation Joseph Mécène Jean-Louis comme président provisoire de la République de la transition pour remplacerJovenel Moïse.
Des agents de la Police nationale d’Haïti (PNH) ont pris le contrôle de l’École de la magistrature (EMA), dans la matinée du 8 février 2021, quelques heures après que des policiers aient été dépêchés à la Cour de cassation, afin d’empêcher le déroulement de toute activité.
Jovenel Moïse l’impopulaire quant à lui qui refuse toujours de quitter le pouvoir a fait le tour des rédactions de presse internationales ce lundi dès les premières heures pour plaider sa légitimité et avoir les coudées franches par la communauté internationale.
Sur le net des internautes ayitiens excédés rappellaient que la fameuse phrase « Complot contre la sûreté de l’Etat » était la préférée de la milice de Duvalier pour accuser, arrêter et emprisonner des militants.
Á la lumière des faits du jour le coup D’état est à interprétation multiples.
Pour celui qui s’accroche au pouvoir c’en est un !
Pour ceux qui réclament le respect de la Constitution et qui en ont assez de cette présidence Moïse la plus incompétente et plus improductive qui soit pour la population mais aussi la plus soumise à Washington c’est un coup d’État également !
MARDI 9 FÉVRIER :
Mardi matin la situation est différente, les activités économiques ont reprises après deux jours de paralysie à Port-au-Prince.
Les commerces, les pompes à essence, les banques commerciales ainsi que les transports en commun ont recommencé à fonctionner.
En revanche les écoles ont gardé portes closes par mesures de prudence.
La veille deux journalistes travaillant pour Télé Pam, Alvares Destiné et Jeanril Méus ont été abattu par balles réelles au Champ de Mars au moment où des policiers et des militaires tiraient des balles réelles pour disperser une manifestation anti gouvernementale Moïse.
Conduits à l’hôpital par chance les deux journalistes ont survécu.
Le Lieutenant général des FAD’H, les Forces Armées d’Haïti, Jodel Lessage, apporte son soutien à Jovenel Moïse il a déclaré que l’armée qu’il dirige «sera fidèle au pouvoir en place.»
Il faut dire que les FAD’H qui ne comptent que 435 soldats, grâce aux promesses de Moïse Jodel Lesage espère augmenter le nombre des effectifs et recruter entre 3 500 et 5 000 soldats.
Pour le lieutenant-général Jodel Lesage, l’objectif est d’assurer une présence militaire sur tout le territoire.
Ce mardi matin ont a appris également que Jovenel Moïse met à la retraite les trois juges de la Cour de cassation pressentis pour le remplacer.
Ce fait très grave est lourd de conséquences !
En effet Wendelle Coq Thélot, Yvickel Dieujuste Dabrézil et Joseph Mécène Jean Louis, sont les trois juges de la Cour de cassation qui étaient pressentis par l’opposition et la société civile pour remplacer le président Jovenel Moïse contesté.
Ils ont été mis à la retraite en fin de journée ce 8 février 2021 par le président «de facto» Moïse contesté et jugé illégal.
Joseph Mécène Jean Louis ayant été nommé Président par intérim pour assurer la transition vers de nouvelles élections démocratiques est donc visé par cette décision de Jovenel Moïse.
Or Jovenel Moïse n’a absolument aucun droit légal et constitutionnel pour prendre de telles décisions. Il n’en a pas le droit tout simplement !
Ces trois magistrats avaient des mandats inamovibles qui courraient jusqu’en 2029 pour le juge Dabrézil, en 2022 pour le juge Thélot et cette année pour le juge Jean Louis.
En agissant ainsi Jovenel Moïse viole sciemment la Constitution et essuie ses pieds sur l’article 177 (*) de la Constitution ayitienne qui est très clair là dessus.
Et comme si cela n’était pas suffisant Jovenel Moise a annoncé par tweet le dépôt de 20 millions de dollars US pour l’organisation du référendum pour modifier la Constitution et des prochaines élections dans un “basket fund”.
On a appris également tôt mardi matin que la vagues des arrestations politiques ne sont pas encore terminées.
En effet la Police nationale d’Haïti a lancé un avis de recherche contre le dernier maire élu de Port-au-Prince, Youri Chevry.
Ainsi la chasse aux forces contestataires est ouverte. Jovenel Moïse utilise les appareils d’État pour ses intérêts personnels.
L’exercice de son pouvoir bascule sans l’ombre d’un doute vers la dictature.
En réaction ce mardi 9 février les organisations de droits humains ayitiennes «condamnent sans réserve l’arrestation illégale et arbitraire du Juge Yvickel Dabrésil» et demandent «la libération immédiate du juge et des autres prisonniers politiques.»
Le Sénat pour sa part a renouvelé son appel au dialogue tandis que des habitants du quartier de Solino ont manifesté dans foulé la Capitale ce mardi appelant au respect les dispositions de l’article 134-2 de la Constitution mettant fin au mandat présidentiel de Moïse au 7 février 2021.
Pour la journée de mercredi 10 février de nombreuses organisations de la société civile lancent une marche contre la dictature à Port au Prince pour disent elles : «dénoncer la répression policière et l’accaparement illégal du pouvoir par l’apprenti-dictateur et sa clique.»
Parmi ces organisations, on compte Sèk Gramci, CRICASTRO, Lakou, Lèsanpa, Sèk Janil, Collectif des Étudiants Privés et Publiques, Konsèy Etidyan Fakilte Lenwistik Aplike, Kominote Mobilizasyon ENS, Union Nationale des Normaliens d’Haïti (UNNOH), Mouvman pou Libète, Egalite sou Chimen Fratènite tout Ayisyen (Moleghaf), Association des Normaliens Indépendantss d’Haïti (ANNIH), Challengers Populaires, Challenge 7 fevriye, Nou konsyan, Fòs Dèlma, Konbit Oganizasyon Sendikal Politik ak Popilè, Kolektif Nasyonal Jenn Pwogresis Ayisyen (KONJEPA), Kolektif Atis Angaje (KATAN), Nou se Dorval, Collectif des Jeunes Suicidaires (CJS), Mouvement Organisé de Citoyens Pour l’Intégration et le développement (MOCIDE), Ligue Dessalinienne pour la Promotion de la Nouvelle Haïti (LIDESPRONA), etc…
En résumé nous avons donc actuellement en Ayiti un «président de facto» fortement contesté qui s’accroche au pouvoir et l’exerce de façon dictatoriale avec l’appuie de Washington, un président provisoire de la République, le président de la transition Joseph Mécène Jean-Louis désigné par l’opposition et la société civile. Nous avons également un possible président potentiel mis au cachot par Jovenel Moïse Yvikel Dabrezil.
En somme Ayiti se retrouve avec deux présidents pour un pays valeureux en douleurs depuis trop longtemps.
La situation risque de se corser autrement quand le peuple ayitien entrera activement dans la danse …
Emmanuelle Bramban
*L’Article 177 de la constitution haïtienne :
«Les Juges de la Cour de Cassation ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement prononcée ou suspendus qu’à la suite d’une inculpation…ils ne peuvent être l’objet d’affectation nouvelle, sans leur consentement, même en cas de promotion…»
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