Burkina Faso 🇧🇫: Procès, Thomas Sankara « Si c’est pas wak, on ne pouvait pas le tuer comme ça »

Burkina – Procès_Sankara : « Si c’est pas wak, on ne pouvait pas le tuer comme ça », Boukary KaborĂ© dit “Le lion”, Ă propos de Thomas Sankara
Boukary Kaboré, connu sous le pseudonyme “Le lion”, a été entendu ce mardi comme témoin dans le procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons. Selon lui, la menace d’une éventuelle exécution de Thomas Sankara par son compagnon Blaise Compaoré était prise très au sérieux dans son entourage. Plusieurs scénarios avaient été proposés au chef de la révolution pour lui éviter ce qui est arrivé le 15 octobre.
Sentant la tension monter chaque jour, Boukary KaborĂ© aurait proposĂ© Ă Thomas Sankara de faire arrĂŞter Blaise CompaorĂ©, avant qu’il ne passe Ă l’action. Et il dit s’être montrĂ© volontaire pour s’en occuper. « Je le fais venir chez moi Ă Koudougou et je lui dis “tu restes ici” », rĂ©sume “le lion”. Mais Sankara n’était pas d’accord, confie-t-il. « Si tu touches un seul poil de Blaise, je ne t’adresse plus jamais la parole », aurait menacĂ© Sankara.
Le Lion confie avoir même proposé au président de démissionner. Il se rappelle avoir dit à Sankara : « Si tu démissionnes là , tu donnes le pouvoir à Blaise. 72 heures seulement, il y aura soulèvement et la voie est libre ». Il ajoute qu’il lui avait proposé, s’il le voulait, de le faire à Koudougou, sous la protection du BIA. Le chef de la révolution aurait apprécié l’idée, et il avait même prévu d’agir ainsi. « C’est le 14 octobre que Thomas Sankara devait démissionner », affirme Boukary Kaboré. Mais « les évènements l’ont surpris ».
3e option : l’exil. Boukary KaborĂ© raconte qu’au cours d’un sĂ©jour au Ghana les 12 et 13 octobre, seulement 2 jours avant le coup d’état, le prĂ©sident ghanĂ©en Jerry Rawlings, inquiet, lui avait intimĂ© l’ordre, ainsi qu’Ă Jean-Baptiste Lingani, « de dire Ă Thomas Sankara de venir lĂ -bas ». Il prĂ©cise que l’ancien domicile de Kwame N’Krumah dans son village avait Ă©tĂ© prĂ©parĂ© pour accueillir Sankara, s’il acceptait l’offre. Mais celui-ci a refusĂ©. « Il a dit qu’il prĂ©fère mourir dans son pays que d’aller Ă l’exil », se souvient Boukary KaborĂ©.
A écouter Boukary Kaboré, malgré toutes les alertes qu’il recevait, Thomas Sankara semblait faire comme si de rien n’était. « Il a empêché l’action de tout le monde. C’est nous qui avons insisté, sinon il ne voulait même plus de garde », décrit “le lion”. « Quelque part je suis tenté de dire même que le gars là s’est suicidé », lance-t-il, amer.
Aujourd’hui encore, l’homme Ă la crinière s’explique difficilement l’entĂŞtement du leader de la rĂ©volution. Peut-ĂŞtre qu’il Ă©tait “waké”* ; en tout cas, le capitaine de Koudougou ne l’exclut pas. « Le “wak”* lĂ mĂŞme l’avait tuĂ© et puis il Ă©tait avec nous seulement », lâche-t-il. « Si ce n’est pas “wak”, on ne pouvait pas le tuer comme ça », conclut “le lion”.
*waké : ensorcelé, sous l’effet d’un sort, ou d’une force occulte
Source: Abdoul Fhatave Tiemtoré