Burkina Faso 🇧🇫 :Roch KaborĂ© semblait se mĂ©fier aussi de l’opĂ©ration militaire Barkhane et refusait une prĂ©sence militaire française importante sur le territoire burkinabè.
Burkina Faso 🇧🇫 :Roch KaborĂ© semblait se mĂ©fier aussi de l’opĂ©ration militaire Barkhane et refusait une prĂ©sence militaire française importante sur le territoire burkinabè.
Sur fond de dĂ©sastre militaire dans le nord du pays, partiellement contrĂ´lĂ© par les jihadistes liĂ©s Ă Al-QaĂŻda et au groupe État islamique, la parenthèse civile s’est refermĂ©e au “Pays des hommes intègres”. Pour beaucoup, ce coup d’État Ă©tait prĂ©visible et les autoritĂ©s françaises semblaient s’y prĂ©parer. Les explications de France 24.
Ce mardi 25 janvier, le Burkina Faso s’est rĂ©veillĂ© avec, Ă sa tĂŞte, un gouvernement militaire qui a annoncĂ© depuis les studios de la tĂ©lĂ©vision nationale la suspension de la Constitution et la dissolution du gouvernement ainsi que de l’AssemblĂ©e nationale. Le prĂ©sident Roch KaborĂ© a quant Ă Â lui prĂ©sentĂ© sa dĂ©mission dans une lettre manuscrite publiĂ©e lundi soir sur la page Facebook de la RTB.Â
Le pays est dĂ©sormais dirigĂ© par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, prĂ©sident du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), un officier formĂ© en France, Ă l’Ă©cole militaire de Paris.
Ă‚gĂ© de 41 ans, il rĂ©tablit un rĂ©gime militaire dans un pays qui a connu huit coups d’État depuis son indĂ©pendance en 1960. La prĂ©sidence de Roch Marc Christian KaborĂ© (2015-2022), premier civil Ă©lu dĂ©mocratiquement et Ă exercer le pouvoir dans la durĂ©e, a vĂ©cu.
L’Ă©viction par l’armĂ©e du premier prĂ©sident civil du pays depuis 1966
Économiste et ancien Premier ministre (il avait gĂ©rĂ© la dĂ©valuation historique du franc CFA en 1994), il a vu sa prĂ©sidence emportĂ©e par l’offensive jihadiste au Sahel, partie du nord du Mali en 2012, que son armĂ©e n’est pas parvenue Ă contenir.
Pour beaucoup d’observateurs, ce nouveau coup d’État au Burkina Faso n’est pas vraiment une surprise, tant le divorce entre l’ex-chef de l’État et les forces armĂ©es Ă©tait Ă©vident depuis l’attaque du poste de gendarmerie d’Inata, en novembre 2021, au cours duquel 54 gendarmes ont pĂ©ri après avoir demandĂ© en vain des renforts et de la nourriture auprès de leur état-major.
Des mésententes entre Paris et Roch Kaboré
MĂ©fiant vis-Ă -vis de son armĂ©e, qu’il soupçonnait de vouloir le renverser et reprendre le pouvoir, le prĂ©sident dĂ©chu semblait se mĂ©fier aussi de l’opĂ©ration militaire Barkhane et refusait une prĂ©sence militaire française importante sur le territoire burkinabè.Â
Pour Antoine Glaser, fondateur et ancien rĂ©dacteur en chef de “La Lettre du Continent”, une publication bien informĂ©e des dessous de la vie politique du continent africain, “Roch KaborĂ© avait une certaine distance vis-Ă -vis de la France, qui lui reprochait de ne pas vouloir rĂ©former son armĂ©e. Il avait acceptĂ© la prĂ©sence de l’opĂ©ration Sabre, constituĂ©e de forces spĂ©ciales françaises basĂ©e près de Ouagadougou mais il ne tenait pas Ă avoir une opĂ©ration Barkhane dans son pays parce que Barkhane, c’est quand mĂŞme une force conventionnelle Ă l’ancienne que la jeunesse africaine considère comme un retour aux annĂ©es de la France-Afrique”.
L’ÉlysĂ©e a-t-il voulu exfiltrer Roch KaborĂ©Â ?
DĂ©savouĂ© par son armĂ©e, Roch KaborĂ© l’a-t-il aussi Ă©tĂ© par les autoritĂ©s françaises ? Selon Africa Intelligence, dans une note publiĂ©e ce mardi, “Depuis septembre, officiers comme diplomates français travaillaient sur des scĂ©narios de prise de pouvoir par les militaires” et le site spĂ©cialisĂ© affirme que Paris a proposĂ© Ă l’ex-prĂ©sident “une exfiltration d’urgence” dès dimanche, avant de perdre le contact avec lui au cours de la journĂ©e de lundi.
“Plusieurs points de chute dans les pays voisins avaient Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s pour mettre Ă l’abri le prĂ©sident, mais ce dernier a refusĂ© d’ĂŞtre exfiltrĂ© par Paris”. Cette information a Ă©tĂ© dĂ©mentie par l’ÉlysĂ©e dès la parution de cette note, toujours selon le site spĂ©cialisĂ© sur l’actualitĂ© et les enjeux du continent africain qui rapporte Ă©galement que “le monsieur “Afrique” du Quai d’Orsay, Christophe Bigot, s’Ă©tait rendu Ă Ouagadougou dĂ©but dĂ©cembre. Il y avait rencontrĂ© KaborĂ©, en compagnie de l’ambassadeur de France dans le pays, Luc Hallade, et de sĂ©curocrates et officiers supĂ©rieurs de l’armĂ©e burkinabè. Paradoxalement, le risque d’un coup d’État s’Ă©tait alors quelque peu dissipĂ©, mĂŞme si la menace Ă©tait toujours jugĂ©e très sĂ©rieuse.”
La proximité ancienne entre les forces armées burkinabè et la France
Pour Antoine Glaser, le coup d’État conclu lundi Ă©tait presque annoncĂ©, puisque le prĂ©sident KaborĂ© “avait fait arrĂŞtĂ© des officiers qui Ă©taient des proches de Paul-Henri Sandaogo Damiba” il y a une quinzaine de jours. Le journaliste ajoute sur l’antenne de France 24 qu’il ne pense pas que “Paris a[it] laissĂ© tomber le prĂ©sident KaborĂ© mĂŞme si c’est vrai que ce sont les forces spĂ©ciales françaises qui ont exfiltrĂ©e en CĂ´te d’Ivoire l’ex prĂ©sident Blaise CompaorĂ©”, le dirigeant militaire du Burkina Faso de 1987 Ă 2014.
“C’est vrai aussi qu’il y a toujours eu un soutien français Ă Gilbert DiendĂ©rĂ© [un gĂ©nĂ©ral responsable d’une tentative de putsch en 2015 NDLR]. C’est vrai aussi que la DGSE et les services français ont pendant longtemps bĂ©nĂ©ficiĂ© de la plateforme de Ouagadougou pour des opĂ©rations clandestines dans la rĂ©gion, mais ça ne signifie pas que la France ne soutenait pas Roch KaborĂ©”, explique Antoine Glaser.
Le journaliste rappelle aussi qu’en septembre 2020, Emmanuel Macron lui avait confiĂ© ses doutes concernant la capacitĂ© de Roch KaborĂ© Ă rĂ©pondre au dĂ©fi sĂ©curitaire posĂ© par l’insurrection jihadiste au Sahel.
La méfiance de Roch Kaboré envers son armée, un problème pour Paris
Dans son ouvrage “Le Piège africain de Macron” paru en 2021, il cite le chef de l’État français affirmant : “Au Burkina Faso, il y a un problème avec l’armĂ©e. Le Burkina est un pays de coups d’État, le prĂ©sident KaborĂ© a lui-mĂŞme dĂ©vitalisĂ© son armĂ©e. Soyons clair, il ne veut pas la rĂ©former donc c’est un modèle autoentretenu parce qu’il aura besoin durablement de puissances Ă©trangères car il a une dĂ©fiance vis-Ă -vis de sa propre armĂ©e.”
Ce mardi, le prĂ©sident français a dĂ©clarĂ©Â : “Très clairement, comme toujours, nous sommes aux cĂ´tĂ©s de l’organisation rĂ©gionale qu’est la CĂ©dĂ©ao pour condamner ce coup d’État militaire”. InterrogĂ© par RFI, il ajoute qu”il ne faut pas sous-estimer la fatigue et l’Ă©puisement que crĂ©ent des attaques permanentes de groupes terroristes qui viennent affaiblir les forces armĂ©es d’une part et qui viennent aussi profondĂ©ment fragiliser le lien avec la population et les institutions lĂ©gitimes.”
Au-delĂ des critiques françaises sur la stratĂ©gie sĂ©curitaire de l’ex-prĂ©sident, c’est bien le ras-le-bol de la population qui semble avoir autorisĂ© le putsch permettant le retour au pouvoir des militaires au Burkina Faso. Comme le note le quotidien LibĂ©ration : ” l’impuissance du pouvoir en place Ă freiner l’inexorable progression du terrorisme a suscitĂ© un vent de colère dĂ©sespĂ©rĂ©e”. Une manifestation de soutien aux putschistes est d’ailleurs en cours ce mardi Ă Ouagadougou oĂą le calme est revenu.
“Bien sĂ»r que c’est un coup d’État, mais on a le sentiment que, dans la bande sahĂ©lo-saharienne, les dirigeants se bunkĂ©risent dans leurs capitales, qu’ils abandonnent l’espace rural aux jihadistes et qu’ils ont renoncĂ© Ă tous leurs pouvoirs rĂ©galiens d’Ă©ducation ou de santĂ©. Au Burkina, il y a eu 2 000 morts et des millions de dĂ©placĂ©s. Au bout d’un moment, ce n’est plus possible de continuer dans la mĂŞme situation”, conclut Antoine Glaser.
Source; France 24